La Fiancée du Vent
Dans le tramway, le long des avenues qui convergent vers Alexanderplatz, je les cherche du regard et me demande lesquelles viennent véritablement de là, de l’ancienne République Démocratique. Elles, les femmes de l’utopie socialiste qui autrefois défilaient le sourire radieux dans les espaces limpides du Panoptique de la nouvelle Allemagne. Les femmes y étaient selon l’idéologie officielle les égales à part entière des hommes dans le projet commun à édifier - bien qu’on les y aimât toujours aussi vertueuses et dévouées, que ce fût dans les gravats à déblayer, en usine ou dans le chantier permanent et la boue de la reconstruction. Dans le tramway elles sont assises près de moi. Je me demande ce que cela veut dire, avoir été une Femme Socialiste, avoir pris part à la vision universelle qui devait leur garantir une place inédite dans la société, et si cela se distingue essentiellement de l’expérience d’être une femme Post-Socialiste. Qu’ont-elles vécu de cette déflagration, de la disparition d'un régime qui d'une certaine manière les glorifiait? Leur expérience et leur présence dans le monde sont-elles à présent d’une nature autre? Tout comme ma mère aurait dû être transformée en dériveuse Situationniste dans les grands ensembles de la banlieue parisienne, la Femme Socialiste a-t-elle réellement existé à Karl-Marx-Stadt ou à Rostock?
Dans les nouveaux Bundesländer qui ont réintégré le giron de la République Fédérale en 1990 les femmes sont particulièrement touchées par un chômage endémique et l'on pourrait même dire qu'elles furent les premières victimes des restructurations économiques profondes survenues après la réunification. Dans l’ex-RDA en revanche, leur visibilité dans la sphère publique avait été activement encouragée par un pouvoir affirmant une rupture totale avec un passé bourgeois et fasciste, par opposition consciente à une Allemagne de l’Ouest où la répartition des rôles entre sexes était définie de façon beaucoup plus traditionnelle. L’égalité au travail était même promue au rang de principe fondateur du jeune État socialiste et des lois facilitant l’accès des femmes à l’emploi furent promptement promulguées. Il serait néanmoins un peu excessif de voir dans la RDA une sorte de paradis proto-féministe avant-gardiste où l’émancipation des femmes aurait été à l'ordre du jour. La présence de ces dernières dans le domaine public et leurs posiibilités de réalisation en tant qu’agent autonomes dotée d’un destin propre étaient tout aussi conditionnées et contrôlées que dans le modèle "réactionnaire" de société que le nouvel ordre socialiste prétendait renverser, les deux côtés du clivage idéologique ayant créé leurs propres archétypes (la mère-amie-amante et occasionnellement catin corvéable à merci de nos contrées versus la travailleuse en combinaison, vigoureuse et déterminée, des étincelles plein les yeux, dans l"Ostblock). Ces deux constructions idéologiques s’avérèrent également étriquées et ignorantes de la complexité de l’expérience féminine à une époque de fortes turbulences historiques et l’on peut légitimement de demander comment des siècles d’organisation patriarchale auraient pu du jour au lendemain s’évanouir avec l’avènement du socialisme - un autre mythe discutable ayant présidé à l’établissement du nouvel État et à son intégration dans une eschatologie historique héroïque.
Les travaux très pertinents d’Astrid Ihle sur les photographes est-allemandes Ursula Arnold et Evelyn Richter mettent superbement en relief le gouffre existant entre la propagande officielle sur le rôle social des femmes et la réalité moins reluisante de leur condition dans un pays détruit et profondement humilié [1]. De la Trümmerfrau des lendemains de bombardements aux ouvrières glorieuses de la reconstruction, les représentations officielles mettaient immanquablement en scène le seul archetype de sur-femme dont les aspirations et efforts étaient exclusivement tournés vers l’édification de l’utopie socialiste. Tout ce qui pouvait avoir trait à une quelconque relégation, aliénation et a fortiori violence sociales et sexuelles n’entraient aucunement dans les paramètres fixes d’un système totalitaire qui n’avaient aucune prise sur les complexités et ambiguïtés de la réalité vécue. À travers l’analyse subtile des photographies de Richter et d'Arnold, Astrid Ihle fait état d’une fragile réappropriation de l’espace social et urbain, et par le biais d'un objectif photographique 're-sexué' rend visible une réalité alternative et potentiellement subversive pour le pouvoir en place, une représentation ambivalente, complexe et bien moins tranchée de la vie quotidienne. On peut en filigrane y déceler la présence élusive d'une hypothétique flâneuse, figure en perpétuelle circulation dans l’espace urbain et contestant les normes et codes de l’iconographie officielle. La femme était considerée sous son aspect le plus éthéré (c’est-à-dire dénué de corps) comme une entité d’ordre économique dont la valeur était mesurée à l’aune du projet historique socialiste. Pour ce qui est de sa subjectivité, de son désir et de sa corporéalité dans une telle société ils demeuraient trop instables pour qu’un régime puritain de vieux bureaucrates ne veuille y mettre le holà. Le corps féminin comme vecteur de danger, de subversion et de destructivité était l’'autre’ ultime et irréductible que le pouvoir dans toute sa puissance cherchait à tout prix à neutraliser.
La question de la présence du féminin dans la sphère publique et sa déviation potentielle des limites imposées sont au cœur de Fräulein Schmetterling, un film produit en 1965-66 par la Deutsche Film-Aktiengesellschaft (DEFA) sur un script de Christa et Gerhard Wolf, dans lequel les thèmes étroitement liés d’émancipation féminine et de transformations urbaines sont clairement articulés. Cependant le film fut d’emblée considéré comme suffisamment suspect par les caciques du Comité Central du SED pour être immédiatement interdit de sortie. Le film, restauré et reconstitué à partir des fragments ayant survécu à son pourrissement dans quelque enfer d'archives, fut projeté à Berlin il y a quelques mois, une expérience particulièrement émouvante sans doute due au fait qu'une bonne partie reste privé de bande-son, et que ce qui en a été reconstitué, à la manière d'une archéologie d'un passé à la fois proche et invraisemblablement ancien, est lacunaire et aléatoire, ce qui renforce son caractère irréel et lunaire. Une magie étrange émane de la simplicité des moyens employés, de même que les décalages de synchronisation, les récurrences, ratées et redondances de la bande-son lui confèrent un aspect curieusement expérimental. Helene, l’héroïne principale, rêve d’une infinité de vies possibles dans un Berlin ensoleillé et (on enfonce là vraiment le clou) cosmopolite et ne semble pas prendre conscience de l’urgence de l’édification socialiste. Elle est un peu excentrique, pleine de fantaisie et se révèle incapable de rester en place dans les nombreux emplois auxquels les autorités l’assignent de toute leur puissance technocratique, que ce soit auprès d’une poissonnière patibulaire, en tant que vendeuse dans une boutique 'de luxe' sur la Karl-Marx-Allee (qui en semblerait presque aussi chic que Fifth Avenue) et enfin comme contrôleuse dans le tramway, chaque expérience s’achevant dans la débâcle et l’humiliation pour une Helene de plus en plus folâtre. De plus elle vit du côté d’Alexanderplatz dans un vieil immeuble délabré promis à la démolition, l’une de ces Mietskasernen du vieux Berlin qui avaient été épargnée par les bombardements, et refuse de débarrasser les lieux malgré les interventions tatillonnnes des autorités qui tentent par ailleurs de la séparer de sa jeune sœur. De même que les blocs d’habitation flambant neufs de la ville socialiste - le dispositf monumental de la Karl-Marx-Allee en constituant le prototype le plus totalisant dans son envergure - le vieux secteur dissimulait quelque chose de trop ambigu, de fluctuant et de potentiellement menaçant pour l’ordre dominant. Tout comme le désir lui-même.
Dans Fräulein Schmetterling nous assistons à un conflit permanent entre la réalisation d’un désir en circulation inentravée et l’imposition d’un espace de plus en plus monodimensionnel et transparent, une sorte de ville-panoptique hors de laquelle il n'existe aucune échappée possible. Une jeune femme seule parcourant les rues sans raison précise, parfois par simple désir des hommes comme le montre sa liaison avortée avec un beau boxeur, ou rêvant de grands soirs dans une ville somptueuse (comme dans la scène touchante où on la voit sortir de Café Moskau dans différentes tenues élégantes ou tourbillonner dans une valse infinie avec le même boxeur au sommet de la Marienkirche) entre en collision frontale avec la vision officiellement promue de la femme idéologiquement irréprochable, une créature abstraite et désincarnée devenue icône monosémique et immédiatement identifiable. Les autres femmes du film semblent en effet se conformer à cet idéal, des travailleuses honnêtes et ne renâclant pas à la tâche telles que l'odieuse poissionnière et la patronne de la boutique de luxe à la bureaucrate omniprésente et intrusive du Jugendamt, inflexible dans sa détermination de mettre Helene au pas. Finalement celle-ci est relogée dans l’un des blocs bordant la Karl-Marx-Allee où on lui fait bien sentir qu’elle peut commencer à mener une vie conforme aux principes et valeurs socialistes. Enchâssée dans son sarcophage de verre et le béton elle surplombe le boulevard triomphal, simultanément voyeuse et soumise au regard collectif. Le désir sexuel errant et les rêves de romance sont ainsi réprimés par un pouvoir coercitif et épris de pureté idéologique et mettant architecture et urbanisme au service de ses intentions. Mais l’espoir renaît lorsque – et c’est sans doute cela qui a déplu au Comité Central – Helene fait la connaissance d’un mime après une visite au cirque et semble une fois de plus s’extirper des griffes de l’infernale machine dans une explosion finale d’extravagance et de fantaisie. Il serait instructif de mettre ce miracle de film en perspective avec l’expérience des milliers de femmes des classes populaires qui furent relogées lors des programmes urbanistiques titanesques des années soixante et soixante-dix en Europe de l'Ouest.
Cette éradication de la sensualité et des poursuites érotiques suspectes était consubstantielle au programme idéologique socialiste, où hommes et femmes étaient sans distinction transformés en entités propres et immatérielles dont on ne pouvait songer un seul moment qu’elles s’adonnent à une pratique aussi corruptrice et occidentale que le sexe (ou le sechs comme le prononce la mère de Klaus dans Helden wie wir - malheureusement traduit dans l’édition française par Le Complexe de Klaus). La femme en tant qu’ouvrière de ferme et d’usine ou comme bureaucrate marmoréenne dont les vies n’étaient considérées qu’en termes de productivité et d’efficacité et dont la place attitrée était strictement réglementée et contrôlée à chaque niveau de l’existence, avait encore moins de temps pour de telles frivolités, et l’on songe au modèle de la championne olympique dopée aux hormones comme du résultat asexué d’une expérimentation en ingénierie sociale qui aurait mal tourné. Cette évacuation terminale de toute sensualité du monde des humains se retrouve de façon particulièrement exacerbée dans Les Bonnes Femmes de Wolfgang Hilbig, incursion hallucinée dans la désintégration mentale d’un homme en chute libre dans une RDA en déni sexuel intégral [2]. Voyage cauchemardesque autour de petites villes industrielles plongées dans le noir et de décharges publiques, le texte retrace la descente dans l’inexistence d’un homme tourmenté par l’impuissance sexuelle à laquelle il est forcé par l’immixtion permanente de l’État dans ses affaires de cul et qui perd tout contact avec la réalité lorqu’il lui apparaît que les 'bonnes femmes' - du moins celles qui n’ont pas voulu sacrifier leur féminité aux impératifs idéologiques mortifères du régime - ont toutes disparu de RDA. Sur une note plus légère mais non moins acide Anna Funder consacre dans son Stasiland un chapitre au 'Lipsi’, une danse étrange et hybride lancée par les autorités à l’intention d’une jeunesse éprise de rock’n’roll mais qui là aussi n’en obtiendra qu’un pâle ersatz, car en effet tout mouvement lascif et suggestif des hanches avait été prudemment éliminé du Lipsi, d’où son côté un peu rigide et sautillant. C'en serait presque drôle si ce n’était d’une perversité si noire. On pense à des salles de bal désertes, à des palais au lino craquelé et peuplés de gérontes liquéfiés, à une humeur brune de nature indéfinie qui suinterait de chaque pore du corps étatique décomposé pour corroder la vie dans sa texture même [3].
[1] Deux essais brillants d'Astrid Ihle sur la photographie en RDA: Wandering the Streets of Socialism: a Discussion of the Street Photography of Arno Fischer and Ursula Arnold, in: David Crowley and Susan E. Reid (eds.), Socialist Spaces. Sites of Everyday Life in the Eastern Bloc (Oxford, New York: Berg, 2002); Framing socialist Reconstruction in the GDR: Women under Socialism - a Discussion of the Fragments of a Documentary Project by the Photographer Evelyn Richter, in: Paul Cooke and Jonathan Grix (eds.), East Germany: Continuity and Change Amsterdam (Atlanta GA: Rodopi, 2000).
[2] Ce second ouvrage inclut également un essai consacré à Die Weiber dans le cadre d'une analyse de la répression sexuelle et historique: Paul Cooke, Continuity and Taboo: Sexual Repression and 'Vergangenheitsbewältigung' in Wolfgang Hilbig’s Die Weiber. Wolfgang Hilbig, Die Weiber (Frankfurt am Main: S. Fischer Verlag GmbH, 1987). Traduit de l'allemand par Brigitte Vergne-Cain et Gérard Rudent sous le titre Les bonnes Femmes (Paris: Gallimard, 1993).
[3] Anna Funder, Stasiland (London: Granta Books, 2003).
In the new Bundesländer chronic unemployment did in the years following the Wende hit women particularly hard. In the former GDR they had, unlike their counterparts in the West who were to a greater degree confined to a more traditionally defined social role, enjoyed unprecedented visibility in public life with the blessing of the authorities. Gender equality at work was even proclaimed by the socialist regime as a fundamental principle upon which the new society was to be built on the smouldering (and soon forgotten) remains of old Germany and a relatively progressive policy with regard to women’s access to employment was implemented accordingly. It would however be a bit hasty to imagine the defunct state as some kind of proto-feminist paradise, where female emancipation and self-realisation were the order of the day. Women’s presence in the public sphere and their prospects as independent, self-determining agents were actually just as controlled and limited as in the 'reactionary' society the newly-founded socialist state was purporting to supersede, both sides of the ideological divide generating their own role-models and archetypes (the home-bound mother, wife and sexpot in the West; the vigorous, squeaky-clean, slightly asexual worker in the East). Both ideological constructs happened to be equally constricting and dismissive of the complexity of female experience in a period of historical upheavals, and one may rightly wonder how it could so innocently be claimed that centuries of patriarchal rule had abruptly come to an end with the socialist dawn - another questionable myth with regard to the radically new beginning the GDR was supposed to embody in the grand narrative of human history.
Astrid Ihle’s brilliant work on GDR female photographers Ursula Arnold and Evelyn Richter underlines this discrepancy between official, propagandist discourse on the place of women in socialist society and the dire reality of womanhood in a devastated, deeply traumatised country [1]. From the Trümmerfrauen of post-war reconstruction to the robust, rosy cheeked factory heroins, official representation was unwaveringly revolving around the same archetype of a wonderwoman whose sole aim was the edification of the ideologically superior socialist utopia. Social, sexual relegation, alienation or even violence had no legitimacy within the parameters of an totalising ideological system that had no interest in the ambiguities and complexities of daily life. Through her subtle analysis of Arnold and Richter’s photography, Ihle points to a fragile reappropriation of social, gendered space through the camera lens and presents a virtually subversive alternative to official discourse, an ambivalent, complex and not so clear-cut representaion of lived reality. Only fleetingly can we catch a glimpse of the urban flâneuse Astrid Ihle refers to, a hidden other in perpetual motion undermining standard official iconography. Womanhood was conceived of only in economic terms, an abstract entity whose worth could only be determined in relation to the perpetually imminent advent of socialism on earth. As for female subjectivity, desire and bodies in such a society, they remained deeply subversive factors which a puritanical, less than sensuously enclined regime could only ignore and repress. The female body as a site of danger, subversion and unbridled unpredictability was the ultimate, irreducible other that the socialist State in all its might could only seek to neutralise and control.
The question of the presence of the female body in public space and its potentially problematic deviation from the dominant order is at the core of Fräulein Schmetterling, a film produced in 1965-66 by the Deutsche Film-Aktiengesellschaft (DEFA) with a script by Christa and Gerhard Wolf, as the intrinsically linked themes of female self-realisation and urbanistic transformations are here clearly articulated. The film was deemed suspicious enough by the Central Committee of the SED not to be released. The few fragmental remains that restoration could salvage were shown a few months ago at the Zeughauskino in Berlin. It was a deeply moving experience as for the most part the film is silent, and what can be sporadically heard is uncertain and often incomprehensible, like the traces of a past that is both familiar and fantastically alien. A powerful strangeness comes from the simplicity of its technical devices, while the approximate synchronisation between sound and image, as well as the multiple disjunctions, repetitions and superimpositions in the soundtrack unwittingly give it a very experimental air... Helene, the main protagonist, dreams her many possible lives in a sunny, excitingly cosmopolitan Ost-Berlin and doesn’t seem to grasp the urgency of socialist edification. She is a bit of a eccentric, whimsical and unable to hold down any of the jobs the authorities 'allocate' her to, first as a fishwife’s assistant, then as sales staff in an exclusive boutique on the Karl-Marx-Allee - which almost manages to look chic - and finally as a tram ticket inspector, each experience resulting in failure and humiliation. Moreover she lives in a derelict, soon to be knocked down old Mietskaserne that had survived the bombings around the Alexanderplatz and obstinately refuses to vacate the place despite the authorities’ repeated attempts to dislodge her and separate her from her younger sister. Unlike the new, rationally designed blocks of flats gracing the new avenues of socialist victory - the Karl-Marx-Allee being the prototype of such totalising designs - the old quarters concealed in the eyes of the institutions something shady, ambiguous, deviant and potentially damaging to the political order. Just like desire itself.
In Fräulein Schmetterling we witness the continuous conflict between the realisation of desire in its uncontrollable circulation and an increasingly monodimensional, transparent architectural space, the panoptical city from which there is no escape. A lone woman roaming the city streets, sometimes looking for men, as her ill-fated fling with a boxer testifies, or dreaming her life away in sumptuous settings (as in the lovely scene showing her wearing different evening dresses outside Café Moskau or waltzing in the evening sun up the Marienkirche with the same boxer) is colliding head-on with the officially promoted version of the ideologically committed woman, a creature turned into a monosemic, easily identifiable icon of the new order. Most women in the film conform to that ideal, from duty-conscious, decent working people such as the fish stall harpy or the boutique 'manageress’ to the relentlessly intrusive bureaucrat from the Jugendamt who is determined to bring Helene to heel. Eventually she is rehoused in one of the blocks along the Karl-Marx-Allee where she can start a new life in accordance with socialist values and aspirations. Encased in glass and concrete she overlooks the monumental boulevard, seeing everyone and becoming visible to all. Errant sexual desire and dreams of romance are nipped in the bud by means of urbanistic concepts devised to consolidate a coercive, omniscient power. But there is love at the end of the road when she ends up meeting a mime artist in a circus and seems once again to slip out of the State’s clutches. It would be interesting to put this film in perspective with the similar experience thousands of working-class women must have had of urban space in Western Europe during the epic housing programmes of the sixties and seventies.
This wariness of sensuality and erotic pursuits was consubstantial with the socialist programme. Men and women were turned into clean, dematerialised entities who couldn’t be thought of as indulging in something as trivial and 'western’ as sex (or sechs as pronounced by Klaus's mother in Helden wie wir). The woman as farm/factory worker or stern faced bureaucrat whose lives were entirely geared towards productive efficiency and whose 'rightful place’ was strictly codified and kept in check at every level, had even less time for such frivolity, and the epitome of the hormonally enhanced Olympic champion immediately springs to mind as the desexualised outcome of experiments gone horribly wrong. This terminal evacuation of sensuality from the world is one of the main themes in Wolfgang Hilbig’s Die Weiber, a hallucinatory foray into mental disintegration and sexual repression in the GDR. A nightmarish journey through decayed industrial towns and rubbish heaps, it traces the slow descent into non-existence of a man tormented by an impotence exacerbated by the State’s incessant intrusion into his stifled sex life and who loses his grip on reality as it suddenly dawns on him that all women have vanished from the country [2]. On a lighter but no less incisive note Anna Funder devotes in Stasiland an entire chapter to the 'Lipsi', a weird hybrid of a dance concocted by the authorities in the sixties and from which all lascivious hip movements had been systematically removed, hence its strange hieratic, hopping quality. It's as funny as it is unsettling and conjures up images of deserted ballrooms, cracked linoleum palaces peopled by a fossilized gerontocracy and an unidentified brown humour oozing out of all pores of the State and corroding life in its very texture [3].
[1] Two brilliant essays by Astrid Ihle on photography in the GDR: Wandering the Streets of Socialism: a Discussion of the Street Photography of Arno Fischer and Ursula Arnold, in: David Crowley and Susan E. Reid (eds.), Socialist Spaces. Sites of Everyday Life in the Eastern Bloc (Oxford, New York: Berg, 2002); Framing socialist Reconstruction in the GDR: Women under Socialism - a Discussion of the Fragments of a Documentary Project by the Photographer Evelyn Richter, in: Paul Cooke and Jonathan Grix (eds.), East Germany: Continuity and Change (Amsterdam, Atlanta GA: Rodopi, 2000).
[2] The latter book also includes an essay on Die Weiber: Paul Cooke, Continuity and Taboo: Sexual Repression and 'Vergangenheitsbewältigung' in Wolfgang Hilbig’s Die Weiber. Wolfgang Hilbig, Die Weiber (Frankfurt am Main: S. Fischer Verlag GmbH, 1987). As far as I am aware there is no English translation available.
[3] Anna Funder, Stasiland (London: Granta Books, 2003).
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