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04 July 2007

Bleu Blanc Rouge et des Frites

Canopée du le Forum des Halles

Les lauréats du projet de remodelage du Forum des Halles sont désormais connus. Il s’agit des architectes Patrick Berger et Jacques Anziutti et de leur toit de verre ondulé fabuleusement nommé 'Canopée', terme qui désigne la cime de la forêt tropicale humide. La Ville de Paris a à cette occasion fait montre d’un enthousiasme débordant qui manque un peu à quiconque se trouve en présence des premières maquettes: ce qui vu d'en haut ressemble à une sorte de limande étalée de tout son long sur le trou des Halles est décrit comme un feuilleté de verre dont les différentes couches dotées d'une texture particulière créent une impression de 'poudroiement' (comme rapporté dans le Libération du 3 juillet). L’interconnection métro-RER fera aussi l’objet d’une attention particulère dans la mise en transparence du cloaque existant (ce qui fera honneur à "une métropole animée par ses énergies" - jolie façon de décrire les hordes en provenance de banlieue). Mais outre la métaphore végétale un peu appuyée et un onirisme sixties à se tenir les côtes ("C'est une forme vivante qui naît du sol") ce sont les quelques esquisses du projet réalisé qui laissent coi. Servant d’arrière-fond à peine discernable (tout n’est que verre et évanescence) aux visions hallucinées d’une communauté nonchalamment affalée dans une sorte de prairie urbaine (savent-ils vraiment de quel genre d’endroit il est question ici?) la 'Canopée' ne montre vraiment ce dont elle est capable qu’une fois la nuit venue lorsque les batteries de cellules photovoltaïques dont elle est couverte se mettent à recycler la chaleur accumulée dans la journée pour produire une lumière mouvante. Le résultat s’apparente selon les points de vue à une luciole géante dégageant un vert inquiétant ou à un nuage iridescent à la façon des environnements climatisés d’Yves Klein - où il était même permis de léviter. Et comment croire à ce dégagement de perspective sur Saint-Eustache et de façon générale au traitement délirant de l’espace du quartier? Face à cette avalanche d'imageries on ne peut que s’inquiéter de l’écart entre les intentions et la triste matérialité du résultat à venir. Les 'Parapluies' de Willerwal, autre chef-d'œuvre d’autoentretien, étaient déjà d’une armature assez robuste et l’on voit à quel point ils ont souffert. Qu’en sera-t-il donc de cette circulation entre nappes de verre, de l’immatérialité luminescente se fondant dans les jardins, de l’ouverture sur la ville? Que deviendront les vigiles avec chiens muselés, la pisse qui ne manquera pas de couler à flots et les premiers signes de dégradation physique, sans parler du nuage lumineux qui ne décollera sans doute pas certains soirs. À l’instar des gares ferroviaires le Forum draine des milliers de visiteurs chaque jour et comme tout endroit très fréquenté doit savoir encaisser le choc et l’usure qui ne manquera pas de devenir apparente avec une telle fréquentation. Et les bandes de p’tits mecs qui squattent les bouches d’entrées se volatiliseront-elles comme par miracle? Veut-on encore d’un point de rencontre de la banlieue à Paris (où ça sent la frite), comme il en était question dans les bien plus insouciantes années soixante-dix? En guise d’apothéose on annonce même l'instauration d’un microclimat dans un renfoncement de la structure où les badauts sont invités à venir s’abrîter de la pluie. Quoique le microclimat il existe déjà Porte Lescot, et il est sacrément torride.

Photo: Mairie de Paris/Marc Verhille

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