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21 August 2007

Le Voyage d'Analita

English version

'Schwarze Schafe', souterrain U-Alexanderplatz

Il y a quelques années j'avais par hasard trouvé chez un disquaire de Schöneberg Three Hairs and you're mine de King Khan & The Shrines (celui-ci n'étant pas à confondre avec Khan, alias Can Oral). La musique passait dans la boutique et dans son exubérance semblait se prêter å merveille à la légèreté des quelques jours que je passais ici - 'légèreté' n'étant pourtant pas un terme que j'aurais alors associé à mes étés, mais celui-ci, dans son érotisme ambiant et l'omniprésence de Berlin, marquait sûrement une solution de continuité avec tous les précédents. Depuis l'été 2003 est devenu l'un de mes mythes les plus tenaces et King Khan y restait attaché de façon flottante. Le week-end dernier celui-ci a ressurgi à la faveur d'un film que je n'attendais pas. En fait, dans la morosité générale et une accumulation d'incertitudes de toutes sortes, Schwarze Schafe eut l'effet d'une bombe et a certainement réussi à remettre les choses à leur place. J'avais connu quelque chose de semblable avec Stadt als Beute, qui était arrivé dans un climat psychologique comparable et dressait de Berlin un portrait aussi vif et excitant, les deux films présentant des similitudes certaines avec leurs cohortes d'illuminés et le côté improvisé d'existences dans une ville économiquement exsangue. Mais là où Stadt als Beute a sous son vernis de glamour urbain un contenu assez intellectuel gravitant autour de la virtualité d'une représentation théâtrale que l'on ne voit finalement pas, Schwarze Schafe ne fait pas dans la dentelle et se vautre de tout son long et avec une jouissance non-feinte dans le trash le plus sauvage. Avec King Khan en fond sonore et l'immédiateté d'un noir et blanc rugueux, ce sont défécations glorieuses et enculages sataniques de grand-mères qui se succèdent et propulsent magistralement le film au-delà de toute notion commune de goût. Mais c'est aussi la ville dans toute sa familiarité qui est montrée, dans une célébration attendrie des ses gens et lieux emblématiques (Alexanderplatz comme icône ultime d'une esthétique contemporaine prenant l'ex-RDA comme source intarissable d'éléments à recycler), et d'une certaine manière ce film ne pouvait être fait qu'à l'est - du moins sa partie la plus artistiquement active centrée sur le Triangle des Bermudes du cool que constituent Mitte, Prenzlauer Berg et Friedrichshain.

Les personnages, dont nous suivons les pérégrinations urbaines entrecroisées, sont cependant assez inégaux dans leur intérêt. Le trio de Turcs portés sur la chose est assez bien senti, surtout lorsqu'ils finissent, et l'on s'en réjouit, à poil et en érection à la dérive au milieu de quelque lac brumeux, alors que 'Caramel', folle finie qui aime faire sur elle puis se laisser doucher par un homme un vrai, a dans son maniérisme quelque chose de tout aussi toc. Mais la meilleure dans la justesse de sa présence est Charlotte (Jule Böwe), la guide touristique aux fins de mois difficiles dont le circuit sur la Spree finit en carnage. C'est sans doute à ce moment-là que se soulève l'héroïsme berlinois face à un monde d'incompréhension et de sarcasmes, alors qu'éclate par types régionaux interposés (le couple huppé munichois face aux amants bohèmes et alcolos de Prenzlauer Berg) une confrontation culturelle encore très d'actualité plus de quinze ans après la Réunification. Une amie de fac de Charlotte (surnommée 'Analita' car elle aimait se faire prendre par derrière) et son ignoble mari, pieds nus dans ses mocassins italiens, sont les véhicule du malentendu qui perdure entre Berlin et une partie du pays infiniment plus prospère et conservatrice - à l'ouest donc. Alors que sous les yeux d''Analita' défile le Palais de la République dans sa splendeur d'icône condamnée, on se demande vraiment quel effet cette ville, où l'étalage du statut financier et de la réussite sociale confinerait presque, dans une inversion étrange de tout ce qui a cours ailleurs, à la faute de goût, qui a généré une forme d'esthétique trash et sexy bien particulière aux antipodes de l'opulence propre sur elle de bien des villes allemandes, peut bien avoir dans son rôle de capitale fauchée d'une des plus grandes puissances mondiales auprès des couches aisées de Munich ou Francfort. Condescendence, mépris ou fascination pour sa liberté et son énergie brut de décoffrage? 'Pauvre mais sexy', comme l'ont qualifiée un jour les sages de la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe, Berlin a trouvé là un film possible à sa mesure, fait de presque rien, où la lumière chavire et menace de sombrer à tout moment, mais armé, comme la ville à laquelle il proclame son amour, d'un culot monstre.

 

Analita's Voyage

'Schwarze Schafe', Palast der Republik

A few years ago I was having a browse around a record shop at Nollendorfplatz as King Khan and the Shrines (not to be confused with Khan, aka Can Oral) came on. The music had an exuberance and energy that perfectly fitted the hedonism and carefree excitement of the summer I was spending there. I wouldn't normally have associated my summers with feelings of elation and emotional lightness as they invariably tended to fizzle out in a mixture of disappointment and failed physical emancipation despite all the hopes of self-improvement I had invested them with. Full of the radiant promise of a possible future in Berlin, my first forays into Central Europe and the crowning episode of a romantic encounter in a far less romantic sex club, 2003 was a watershed, a heady mixture of freedom, mild recklessness and hope allied to the most terrific soundtrack (Radiohead's Hail to the Thief had just come out), the first true summer I thought I deserved as a grown-up man who'd just started to get things right. That it wouldn't survive the harshness of autumn Realpolitik I couldn't possibly know, and after all this King Khan fleetingly remained associated with this very personal myth, a time in my life I always look back on with particular fondness. The band re-entered my consciousness a few days ago in a film whose unrelenting madness I wasn't quite anticipating. Landing in the middle of a morass of uncertainties and doubts Schwarze Schafe instantly detonated and smashed any lingering moroseness to smithereens. I had experienced something similar with Stadt als Beute, another Berlin production I'd first seen as the same feeling of doom was descending on me, the two films teeming with outlandish characters trying to eke out a living in a city teetering on the brink of economic collapse. But the similarities end there as Stadt als Beute, revolving around the rehearsals of a play we eventually never get to see, has an almost meditative quality to it with its reflection on contemporary Berlin and its debasement by capitalist exploitation and uniformity, whereas Schwarze Schafe, in its brashness and unabashed celebration of schlock, propels itself far beyond common notions of taste and arthouse cinema viewing to become an unidentified object of the most exhilarating kind. Energized by a vigorous King Khan soundtrack and filmed in grainy black and white with some digital flourishes interspersed, it is a law unto itself and, from diarrhoeas on a heroic scale to satanic granny fucks, wrecks everything in its wake and hurls viewers into a sea of bodily fluids and a relentless lunacy they never suspected would be quite so enjoyable.

But while existing in a dimension of its own, it also shows a very familiar face of Berlin with its people and iconic architectural landmarks we can so easily identify with (mainly the Alexanderplatz whose largely unadulterated DDR aesthetics has become a classic to be recycled in the formulation of a modern Berlin 'feel'). For the film has Ost Berlin written all over it, the scruffy offspring of the sort of cool that has become the hallmark of the cutting-edge Mitte-Prenzlauer Berg-Friedrichshain triangle. However not all protagonists, seen in their simultaneous perambulations around the city, work equally well. The three sex-crazed Turks are pretty entertaining, especially in their attempts at crashing the KitKat Club or when after a rave party they end up starkers in the middle of nowhere with the camera nicely lingering on their morning glories. Equally over the top is Caramel, a camp queen who shits himself as a prelude to filthy sex in a bathtub. Out of them all Charlotte (Jule Böwe), the tour guide on the Spree, is certainly the most affecting and consistent character whose passionate explosion of 'Berlinness' closes a calamitous cruise ending in total carnage and anarchy. For it is only then that Berlin, the dishevelled, do-it-yourself capital of the mighty Federal Republic, rises up against prejudice and ridicule as a delirious cultural confrontation unfolds (Prenzlauer Berg bohemian alkis versus respectable Munich Bürger) which more than fifteen years after the German reunification feels as relevant as ever. An old college friend of Charlotte's (nicknamed 'Analita' because she loved it from behind) and her smug husband, barefoot in his Italian loafers, act as the caricatural vectors of a persistent misunderstanding between Berlin and its infinitely better-off rivals in the West. As the Palast der Republik enters Analita's visual field in all its alienness and glory of fallen icon, we can't help wondering what kind of effect such a city, where ostentation and display of wealth would almost border on the error of taste, which has developed an idiosyncratic, trash aesthetics at odds with other major German cities' polite opulence, can have on the financial elites of Munich or Frankfurt as the terminally broke capital of what is after all a major world power. Condescendence, contempt or just plain fascination for its raw energy, brashness and freedom? 'Poor but sexy', as the judges of the Constitutional Court in Karlsruhe once dubbed it, Berlin may have found its emblematic film, made of bits and bobs, where the light constantly flickers but never goes out and, like the city it declares its love to, full of the most formidable, life-affirming cheek.

 

fast forwardUPDATEfast forward 'Arm aber Sexy' has just found its clearest illustration in two newspaper reports. Die Welt reported the findings of a study carried out by the Bertelsmann Stiftung about the different Länder's performances with regard to levels of employment, economic growth and crime. As it transpires in the graphs the East-West divide is still alarmingly wide but of all new Länder Berlin is the only one that manages the feat of having all three indicators in the red, a pretty depressing sight whilst the usual suspects (Bavaria, Baden-Württemberg and Hamburg) merrily shoot through the statistical roof ('Seriensieger Hamburg', Die Welt, 20.08.2007). Incidentally Der Tagesspiegel was today running a piece on the wasteland lying at the back of the Hamburger Bahnhof, which is poised to become a new magnet to the international art microcosm. As we find out that Olafur Eliasson and Thomas Demand work in the area, major galleries (including some prestigious London names) and architects' practices have started to move into the shambles of disused warehouses and factories lining the Spandauer Schifffahrtskanal, and to create maximum excitement the name of Heidestraße has even been mooted as a possible site for an equally hypothetical future Kunsthalle ('Die Steppentänzer', Der Tagesspiegel, 21.08.2007). Whoever needs vulgar graphic indicators and drab statistics when so much cool is bestowed upon us?

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