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WIEN
À Vienne, sur l’esplanade du Museum Quartier, les corps sont étendus au soleil sur des divans-sculptures d’un vert tendre. Le mien aussi, qui s’est joint aux autres et dénudé à la vue de tous. Je me sens bien dans l’évidence de l’acceptabilité de mon corps. La boxe aura été un événement déterminant dans le retournement majeur de son histoire. Il est exposé au cœur ardent de Vienne et tout se termine là. Il n’y a plus rien à en dire. Il a tout juste commencé à exister et continue de le faire. Ce sont des étés réappropriés qui s’enchaînent, ceux que j’avais peu à peu commencé d’échafauder à Londres avec un succès incertain. C’est à Berlin que son histoire devait s’accélérer et éclater dans l’insouciance, les parcs, le soleil, les hommes des sex-clubs. Mes étés sont les miens. Le cycle est complet depuis les dernières vacances désastreuses passées avec la famille de la honte, dans la station balnéaire de la côte Atlantique où l’on a pris congé de moi. Les sarcasmes pleuvaient sur ce corps qui changeait rapidement et de manière incompréhensible, me tourmentait, n’avait plus de sens. Mes angoisses étaient immenses. La ridicule était le fait de tous – le père, la mère, le frère de concert – et a inauguré vingt ans d’une invisibilité forcée.
À Vienne la sensualité et l’insouciance des jeunes hommes et femmes sont éclatantes, mais qu’en était-il en 1950, quand tout est retombé, dans le silence du cataclysme allemand? L’atmosphère devait y être intolérable. Le non-dit a tout écrasé et aucune question n’a jamais été posée. Contrairement à l’Allemagne qui a tenté dans l’agonie d’apporter des réponses et une posture intellectuelle viable vis-à-vis de son histoire, l’Autriche est restée étrangement déterminée à ne rien soulever – voire même à se poser en victimes de l’Anschluss. Vienne devait être irréellement suffocante et pleine des complots de ceux qui espéraient pouvoir réinstaurer le Reich. L’atmosphère du Portier de Nuit de Liliana Cavani (même si sa sexploitation stupéfiante du nazisme et des camps est discutable) doit être très proche de la réalité, dans la claustrophobie des grands hôtels ou du Karl-Marx-Hof, où les deux amants de barricadent. De même, le monde fantasmatique d’Erika Kohut dans La Pianiste d’Elfriede Jelinek, s’inscrit dans l’étouffement général d’une ville grandiose et devenue trop grande pour un pays atrophié et au climat délétère, que l’on n’aperçoit dans la vision filmée du roman que très partiellement mais de manière terriblement suggestive.
Au sous-sol de la pension il y a un sauna pour hommes. Il n’est annoncé que par un couloir étroit et la forte odeur de chlore qui envahit le vestibule. Bien qu’il soit ouvert en permanence je n’y ai jamais vu entrer personne. À l’entrée il y a tout l’équipement dévolu au maintien de l’hygiène et au bon déroulement des opérations, des chariots et autres engins à roulettes contenant le nécessaire pour prévenir un possible désagrément. La technicisation du désir, les mécanismes et opérations invisibles permettant la perpétuation du plaisir et du fantasme au cœur du complexe sont rejetés à la périphérie. Comme dans ce sauna de Shoreditch où j’allais souvent le samedi. C’était un bâtiment bas miteux et tout en préfabriqué dont l’entrée avait été flanquée d’un portique antiquisant et de vasques. Voila ce à quoi se résume le désir des hommes: un prefab crade coincé entre deux ponts de chemins de fer et un parking.
Cela me ramène par extension à la New Babylon de Constant où la mécanique de la grande mise en scène devait rester aussi savamment cachée (on ne sait d’ailleurs vraiment où), de façon à ce que les zones de désir mouvant et d’ambiances artificielles soient préservées sans interférences de la technologie sous-jacente. Comme au sauna le monde merveilleux du désir et de la baise ludique auraient été maintenu dans un décor de fantaisie aux limites très faciles à transpercer. Se serait alors révélé l’horrible business de l’ingénierie hygiénique, de la manipulation et de la grosse mécanique. Et les pistes d’atterrissage du toit auraient sans doute été desservies par de grosses bittes en verre dignes de la gare de Prague, et les débits de boisson dont New Babylon devait être parsemée pour stimuler l’humeur de ses habitants avant quelque intervention collective, la scène d’infinies dévastations gastriques. Je pense à ma mère et à ce qu’il en serait advenu dans les labyrinthes de New Babylon. Ma mère, nomade ludique, ecstatique dans sa traversées des secteurs ouverts aux quatre vents, elle qui a toujours craint par dessus tout ce que ‘diraient les voisins’. Aurait-elle même vu la Révolution? Y aurait-elle seulement pris part? La seule expérience qui aurait pu se rapprocher des secteurs de New Babylon est celle des nombreux centres commerciaux de la Région Parisienne, autant de mégastructures dotées d’une ambiance distincte et nettement hiérarchisés en fonction de cela. Ainsi l’Agora d’Evry a-t-elle détrôné La Belle Épine, devenue trop vieux jeu dans la jungle stylistique des années soixante-dix, face à Créteil-Soleil, qui n’avait jamais fait le poids - trop loin et caverneux. Mais New Babylon étant libérée de l’emprise de la commodité, l’idée est irrecevable. Et ma mère, survivante d’un ordre ancien, aurait donc dû suivre la cavalerie, sans bibelots ni babioles, et jouer, jouer, jouer...
À Vienne, un soir d’orage. Àprès la traversée d’Augarten, un parc hérissé de tours de défense en béton brut datant de la dernière guerre, au détour d’une rue, la lumière est devenue très intense au-dessus des toits. La lumière, alliée à la couleur de la pierre, et capturée dans l’ambiance qui régnait là à cet instant précis ont créé un sentiment fugace d’une force extraordinaire. Quelque chose me forçait à rester dans cette rue et à comprendre la nature d’un tel sentiment. Le tramway est ensuite arrivé du coin de la rue dans un éclat de soleil aveuglant... De toutes les voix électroniques des transports publics européens, celle de Vienne m’affecte au plus haut point. C’est celle d’un hommes aux accents lancinants, très expressifs. Un homme que j’imagine tourmenté dans les mélopées sans fin des destinations et interconnections à annoncer. Les voyelles trainent, le ton est presque radiophonique, d’un autre âge. Il donne des instructions d’état d’urgence au cœur d’une insurrection indeterminée, telle celle décrite dans Le Bleu du Ciel de Bataille. J’ai pensé que j’aimerais parler l’Allemand de cette façon, d’une façon à la fois mécanique et lyrique. Depuis j’essaie en public d'imiter le mieux possible l'homme électronique de Vienne. C’est très facile et semble donner à ma voix un timbre, elle que j’ai toujours pensée instable et sans qualité particulière.
PRAGUE
Train à destination de Prague. La gare de Dresden est immense et recouvre peu à peu toute sa dignité grâce aux spectaculaires verrières de Sir Norman. Je songe au caractère résolument romantique des voyages ferroviaires en Europe et me demande encore comment le Thin White Duke a pu faire tout ça et garder toute son allure, avoir une si belle peau après une nuit en couchette. L’Europe Centrale d’alors, même si sous contrôle communiste, avait-elle encore une aura assez forte pour permettre de telles attitudes de dandy? Sous le coup d’une uniformisation croissante et du déferlement des commodités les plus triviales - y compris architecturales - peut-on encore s’y croire ? Sous la grandeur inerte et superbement mise en scène de Prague, affleure sa réalité contemporaine. La profusion de casinos, de bars non-stop et de sex-clubs en ont fait une ville totalement investie par et réinventée pour les hordes de yobs anglais qui y débarquent pour des itinéraires éthyliques pré-programmés. Prague incarne la prostituée d’Europe de l’Est, docile et prête à l’emploi, suivant un processus de sexualisation de la ville dont la portée est totale. Un court instant je n’ai plus vraiment su où j’étais, tant ma vision était exténuée dans la perfection lisse des rues. Toutes les villes d'Europe se confondaient dans la multiplication ad infinitum des mêmes chaînes internationales et zones pétionnières incontournables, où tout s’abîme dans la même expérience d’hyperconsommation et le sentiment irréel et désagréable de flotter dans un lieu réductible a n’importe quel autre. L’architecture semblait générique et résumer à elle seule l’idée d’Europe Centrale. J’eus le sentiment que ma quête de l’Europe mythique devait s’arrêter là, dans la dilution globale, l’interchangeabilité des sentiments et des visions, une dé-localisation terminale et irréversible. L’échéance cauchemardesque du monde selon Koolhaas.
Ce matin je pensais aux photos de groupes prises à l’école primaire, la fierté des familles. Nous devions comme tout le monde en avoir deux ou trois (les photographes scolaires ne passaient pas tous les ans), que j’ai détruites un samedi après-midi, après l’un de ces retours de Paris dans la banlieue déserte et suicidaire. Porter atteinte à la mémoire familiale était devenu impératif. Les preuves photographiques de mon enfance étant déjà très rares (mis à part les invités de Noël personne n’avait jamais songé à nous photographier) la destruction par le feu a porté un coup fatal à la collection. Puis il m’est apparu que sur l’une des ces photos je portais la raie au milieu - un acte de transformation très personnel destiné à me mettre mieux en valeur. Las, la mode était aux franges pour les garçons, ce qui n’a pas échappé à ma mère, qui me le fit amèrement remarquer. La violence de ses invectives, photo scolaire à l’appui, me réduisait à un silence honteux: sans frange, je n’étais pas un garçon digne. Pire – j’étais une fille. Elle s’empara alors du peigne et avec rage et détermination - l’un des ces gestes de violence portés au fil des ans contre mon visage - me dota d’une frange comme jamais, la frange des franges. C’est sans doute pour cela que j’ai détruit l’image et toutes les autres qui me renvoyaient à cette photo de classe où je m’étais trouvé beau. Et pour cette raison seule je n’ai rien à regretter.
La gare centrale de Prague s’est déplacée en sous-sol au début des années soixante-dix. Une orgie de plastique rouge et de géométries intercosmiques couvre une immense salle des pas perdus. Au milieu se dresse un casino et une pléthore de machines à sous dans les lueurs des néons roses. Aux kiosques les journeaux populaires affichent des scènes de partouzes en première page. Des hommes rôdent le long des terrasses qui surplombent le hall central. Ils viennent de régions lointaines d’Europe orientale, peut-être même des ex-républiques soviétiques. À la suite d’un remodelage radical opéré durant l’ère communiste la gare historique a été dépouilée de toute fonction et gît à l’abandon de l’autre côté de la voie express qui en anéantit la facade grandiose et lépreuse. Le parking qui lui fait face est desservi par d’énormes bites de verre maculé abritant les cages d’escalier. L’odeur de pisse qui s’en dégage est infecte. Des nuits de pisse giclant sur le verreterni et les structures rouillées. Une opération future de ré-historicisation du lieu aura sans doute raison de l’ensemble.
DRESDEN
Des villas immenses surplombent Dresden. Elles sont de style italiénisant, néo-classique ou gothique, et leurs terrasses étagées descendent par degrés vers l’Elbe. Grottes, bassins et balustrades, c’est Marienbad revisité. On se demande quel usage de tels mastodontes ont pu avoir en RDA. Maison de retraite? Club pour les vétérans de la lutte anti-fasciste? Quoi qu’il en soit d’immenses lustres de plastique blanc pendent des plafonds et les orangeries sont encore murées. Sur les terrasses il était facile de de se voir dans Son Nom de Venise, tant la ressemblance avec le château Rothschild était criante... La RDA est partout. Je vis sur son ancien territoire, moi, venu de si loin, et son souvenir infiltre tout. Ses traces physiques sont omniprésentes - textures, matériaux, couleurs. Le système visuel mis en place est constant et universellement appliqué. Il n’y a dès lors jamais aucune surprise de la part d’un monde qui fonctionnait en vase clos et dont toute création architecturale peut si facilement être mise en rapport avec l’état de la production. Il y eut certes une tendance à une certaine baroquisation dans les années quatre-vingt, mais la chute du régime a coupé court à de telles audacités.
Dresden est une collection d’objets architecturaux très précieux perdus dans un vide interstellaire de voies rapides et d’échangeurs autoroutiers. Les cartes postales en montrent toujours les mêmes combinaisons présentées sous les mêmes angles, créant ainsi l’impression d’une totalité baroque. Car tout autour sévit l’héritage architectural de la RDA. Même les abords médiévalisants de la cathédrale sont une interprétation très libre et bétonnée du passé, un peu à la manière du stupéfiant Nikolaiviertel de Berlin. Tout autour on détruit les derniers vestiges de l’ancien régime pour recréer un semblant de cohésion visuelle dans un néo-classicisme à faire se pâmer plus d’un Leon Krier. Mais le boulevard circulaire qui enserre le centre ne peut faire oublier la perte de la ville - perte et absence étant les deux déterminants d’un lieu dont la beauté sacrifiée constitue la ligne essentielle de discours. Dans la Neustadt, relativement épargnée par les bombardements et pleine d’une vie foisonnante, un bloc d’habitation de l’époque paillettes de la RDA (on était presque arrivé à une archi quasi-disco), situé à l’extrémité d’une ancienne perspective baroque, se nommait Nudel Turm (la Tour-Nouille). Un peu d’humour surréaliste après les très fonctionnels et bombastiques Konsum et autres Zentrum dont ce pays avait le secret. Sous un ciel de plomb j'avais un sentiment de confort et d’appartenance, une sorte de contentement hanséatique déjà éprouvé dans d’autres grandes villes allemandes.
Görlitz, une ville épargnée par les bombardements, coupée en deux après la guerre. Je devais y aller avec C. il y a un peu plus d’un an. Il m’avait parlé de cette ville très belle chevauchant la frontière germano-polonaise. C’était l’été, nous venions de nous rencontrer. J’étais revenu à Berlin quelques mois après avec l’idée d’emmener C. à Görlitz, qu’il rêvait de revoir, pour un voyage d’un jour. Il s’était dit très occupé. Arriver à la gare centrale de Görlitz, c’est comme arriver à T.Beach: la fin d’un monde. Comme T.Beach, la ville est monumentale, déserte et très blanche, ses ordonnances d’un classicisme gracile. Les avenues étaient bordées de boutiques désaffectées. Görlitz est aussi pleine d’hommes en errance, les stormtroopers d’un ordre réactionnaire résurgent que de Berlin on espère outrageusement déformé ou fantasmatique. La ville poussiéreuse et endormie me faisait songer au cadre de Werckmeister Harmóniák, une ville ancienne où la violence éclate de façon arbitraire. Görlitz continue au-delà de la frontière mais sous un autre nom, un autre déroulement du temps. M’est revenu le sentiment que j’avais eu à Wroclaw/Breslau. Des formes architecturales vides investies par d’autres vies, d’autres langues, des histoires venues de régions éloignées. Du côté allemand les librairies du centre historique étaient pleines d’une littérature fortement nostalgique des territoires perdus de l’Est.
Erika's Pleasure Box
WIEN
In Vienna, on the esplanade of the museum complex, bodies are lying in the sun on light green sofa-shaped structures. So is mine, exposed to all, openly and unproblematically. I feel good in the acceptability of my body, its public presence in the radiant city. Boxing will have been a turning point in its history, its salvation. It's now lying in the sun-drenched burning heart of Vienna and that's all there is to it. The story ends here. My summers are mine as I'm reclaiming them after years of physical alienation in the slow disintegration of youth. The starting point of the journey had been the last holiday spent on the Atlantic coast with my family, by then in the throes of inexorable self-destruction. Sarcasm was heaped upon my body which was rapidly changing in a confusing, incomprehensible way and was a constant source of anguish. The scorn was relentless and widely shared - the father, the mother, the son, all were at it - and inaugurated years of forced invisibility. In Berlin history was to speed up and find its resolution in the parks, the sun, the theatre of sex-clubs.
In Vienna the carelessness and sensuality of young people is striking but what was it like back in 1950, as silence was falling back on the German disaster? The atmosphere must have been unbearable. Everything remained unspoken and no questions ever asked. In stark contrast to Germany, which for decades agonised over its history and attempted to find a suitable intellectual position in front of the unfathomable horror of its past, Austria has strangely opposed a stubborn silence and has since then portrayed itself as the hapless victim of the Anschluss. Vienna must have been terminally stifling, full of Third Man style conspirators and Third Reich nostalgics. The atmosphere in Liliana Cavani's The Night Porter (even though its outrageous sexploitation of Nazism and the camps is somewhat dubious and cringe-inducing) must be fairly close to reality, in the claustrophobia of grand hotels or of the Karl-Marx-Hof where the two lovers end up barricading themselves. Likewise Erika Kohut's phantasmagorical world in Elfriede Jelinek's The Pianist is set against the backdrop of a grand - albeit commercially debased - stifling old city, which has become too large for a tiny country that was once an empire. Its deleterious climate is remarkably suggested in Michael Haneke's filmed version and its relative visual discretion makes its menacing presence all the more unnerving.
In the basement of the hotel there is a men's sauna. It is indicated only by a narrow corridor and a strong smell of chlorine. Although it's open round the clock I've never seen anyone go in. At the entrance there is all the necessary equipment to the hygienic maintenance and the good running of the place, trolleys and other wheeled contraptions to sort out unexpected bodily mess. The instrumentalisation of desire, the invisible mechanisms and operations enabling the perpetuation of pleasure and fantasy within the complex are carefully kept at the periphery. Like the sauna in Shoreditch I used to go to on Saturdays, a low-rise, shabby affair whose entrance was framed by a fake Greek portico and plastic vases. This is what male pleasure amounts to: a shoddy prefab stuck between two railway bridges and a car park, but masquerading as the Therms of Caracalla.
This takes me back to Constant's New Babylon where the mechanism of the big show were to remain totally concealed (although it was never clear where), so that the streams of shifting desires and spontaneously created ambiances would remain unhindered by the interference of technology. As in a sauna the wonderful world of desire and playful fucks would have been confined to cosy, thematised spaces full of cheap fittings and stained carpets, but the flimsy partitioning wouldn't have hidden much of the horrible business of hygienic engineering. Likewise the stairwells linking the different levels would probably have resembled the huge piss-corroded glass pricks of Prague's central station, and the watering holes New Babylon would've been equipped with to facilitate the creative cohesion of the free community the scene of ugly bodily upsets and dysfunctions. I'm thinking of my mother and what would've happened to her in the labyrinthine wilderness of New Babylon. My mother, who always feared more than anything what the neighbours would think, as a playful nomad, ecstasy-stricken in her discovery of new sectors. Would she only have seen the Revolution? Would she have taken part? The closest her experience got to the complexity of New Babylon was the string of shopping centres around Paris, each one being a kind of megastructure with its own distinct character and judged according to its ambiance or fashionability. But as New Babylon would've been freed of the tyranny of commodities, my mother, survivor of an obsolete order and deprived of her knick-knacks, would've had no choice but go with the flow and play, play, play forever.
Vienna after a thunderstorm. After a walk through Augarten, a park in the Brigittenau district with two gigantic concrete defence towers in the middle, the light shone brighter over the roofs. The light, reflected by the dark stone of the buildings created a strange atmosphere in the whole street and this sudden event triggered in me a very powerful feeling, affecting my whole perception, an unexpected reading of Vienna, which I didn't recognise. It looked different, darker and from another country. Something compelled me to stay there and understand the origin of this brief transformation. Then the tram arrived from the corner in a blast of white light... Of all the electronic voices in public transport the voice of Vienna affects me particularly. It is a man with a slow, expressive accent. A man whom I imagine to be tormented in the endless litany of destinations and interchanges. The vowels are drawled, the tone of voice is almost that of an old radio programme issuing emergency instructions during a vague, unspecified insurrection, like the one described in Bataille's Blue of Noon. I thought I'd like to speak German in such a mechanical, lyrical way. Since then I've been trying to imitate the electronic voice of Vienna. It seems to give to my voice, which I always thought to lack stability and colour, a distinct tone and a cold expressiveness.
BRATISLAVA
DRESDEN
Gigantic villas overlook Dresden. They are built upon the hills in various styles, Italianate, Classical or Gothic, and their monumental terraces, adorned with grottos, fountains and colonnades - the grandiose pretensions of new capitalism - come all the way down the Elbe. I wonder what usage such piles could have had under the GDR. An old people's home? A social club for veterans of the anti-fascist struggle? In one of them plastic furniture and formica are still very much in evidence and entire wings are boarded up. The GDR is everywhere. Coming from so faraway, from such a different history, I am aware of my presence on its former territory. Its physical traces are omnipresent, in the colours, the textures and fabric of its buildings. The same visual order is systematically applied, which means that there are few genuine surprises here, as architectural creation was so dependent on the state of the national production (one factory churning out concrete panels, another one for ornamental tiling, etc.). In the eighties there was however a tentative drive towards an exuberant home-grown 'modern-baroque' (as evidenced in the blazing folly of the Friedrichstadt-Palast), but such developments were to be short-lived.
Dresden is a collection of precious architectural objects floating in a cosmic vacuum of highways and interchanges. Postcards always show the same combinations of buildings taken from the same angles to give the impression of an organically coherent baroque continuity. For all around the visual legacy of the GDR is unavoidable. Even the improvised, pseudo-medevial surroundings of the newly-reconstructed cathedral are a very personal, streaked-concrete interpretation of the past, similar to the astoundingly free-form Nikolaiviertel in Berlin. In the vicinity the last remnants of the previous regime are being swept away to recreate a modicum of visual coherence in a neo-classicism Leon Krier wouldn't have disowned. But the ring encircling the centre is a constant reminder of the vanished city - disappearance and absence being the two elements of an identity largely based on the (imaginary or actual) reconstitution of a lost unity. In the Neustadt, an area relatively spared by wartime destruction and teeming with metropolitan streetlife, a block of flats from the ultimate flash period of GDR architecture (the closest one ever got to a "disco" archi in the country) and looming into view at the end of an old baroque axis, was called Nudel Turm (Noodle-Tower). A bit of surreal humour amid the self-referential, bombastic Konsum and Zentrum the country coined over its short lifetime. Under a heavy sky I had a distinct feeling of homeliness and belonging, a kind of hanseatic contentment that I'd already experienced in other German cities.
Görlitz, a town spared by the bombings but split into two halves after the war. I was meant to go there with C. just over a year ago. One evening by the Spree he'd told me about a very beautiful town on the border with Poland. It was the summer and we'd just met. I came back to Berlin a few months later with the idea of taking C., who wanted to see the place again, to Görlitz for a short trip. He claimed to be very busy... Arriving at Görlitz central station is like arriving in T.Beach: it's the end of a world, beyond which something else must take over, but we don't know what. Like T.Beach the town is, in its straight perspectives and Grecian elegance, monumental, deserted and as white as chalk. The avenues are lined with countless semi-derelict, disused shops. Görlitz is also full of roaming young men, the stormtroopers in bovver boots of a resurgent order which from Berlin we'd like to wish away. The dusty, sleepy streets reminded me of the setting of Werckmeister Harmóniák, an old place where violence breaks out sporadically and engulfs everything. Görlitz carries on across the border but under a different name, in a different dimension of time. I had the same fleeting feeling as when I saw Breslau/Wroclaw. Hollow architectural forms had been filled with a new history brought by other lives, other languages from faraway lands. On the German side tourist shops were bursting at the seams with books lamenting the loss of the eastern territories to Poland.